DÉCEMBRE 2015

Charleroi – Donetsk

par Elena SYDOROVA


Le 1 décembre 1983 été signé le protocole du jumelage entre la ville de Charleroi et la ville de Donetsk consacrant des relations entamées en 1966. Les villes ont une grande différence d’âge puisque Charleroi a été fondé en 1666 tandis que Donetsk n’est apparu qu’en 1869. L’industrie a joué un rôle principal dans l’union de ces deux villes : essentiellement les mines de houillers, les aciéries et les constructions mécaniques. Charleroi est un grand centre industriel comme Donetsk, mais aussi un grand nœud routier et ferroviaire, ayant une dimension culturelle importante et riche par ses curiosités historiques. Différents projets ont ensuite contribué au renforcement des communications interculturelles entre les deux villes. A l’instar d’échanges avec des élèves de l’école N°115 de Donetsk et notamment de l’apprentissage approfondi des langues étrangères, y compris de la langue française.

Aujourd’hui, Jean-Michel, un ami de l’Université Nationale Technique de Donetsk de la région de Charleroi, nous évoque les particularités régionales de la Belgique dont principalement de sa région francophone : la Wallonie où se trouve notre ville jumelle.


- Présentez-vous, s’il vous plaît.

- Bonjour, je m'appelle Jean-Michel, j'ai 32 ans, je suis développeur informatique et je suis de nationalité belge. Je travaille dans la région de Charleroi, ville jumelée avec Donetsk. J'ai la chance d'avoir quelques contacts au Donbass, notamment liés à votre université.


- Vous êtes de Wallonie. Quelles sont les particularités culturelles de cette région ?

- Il existe trois régions en Belgique : la Flandre au Nord où l'on parle néerlandais, Bruxelles au centre où l'on parle les deux langues (mais majoritairement français) et la Wallonie au Sud où l'on parle Français. Contrairement au Flamand, le Wallon revendique très peu son identité malgré de nombreuses tentatives politiques de changer cette donne. En vérité, je dirais que le Wallon ne sait pas très bien ce qu'il est, il a même plutôt tendance à savoir ce qu'il n'est pas : il n'est pas Français car, malgré l'influence des chaînes de télévisions et des revues françaises, le Wallon a un grand sens de l'autodérision et un coté très brassicole impensables en France; il n'est pas Flamand, parce qu'il ne partage ni son esprit beaucoup plus libéral (influence hollandaise), ni vraiment son histoire et encore moins sa langue ; il n'est pas Allemand ou Hollandais non plus, fatalement. Bref, le Wallon a une petite crise d'identité et a beaucoup de mal à se définir dans cette Belgique déclarée comme le troisième pays le plus mondialisé (selon le dernier indice KOF de la globalisation).

Autrement, le Wallon dispose d'un folklore traditionnel qui varie d'une province ou d'une ville à l'autre, comme partout dans le monde bien sûr. Il dispose également de sa propre langue, le Wallon, dont les dialectes varient également d'une zone à l'autre en Wallonie. C'est une noble langue romane qui n'est plus parlée, à part chez les anciens et encore ... Le seul endroit sur terre où le Wallon est couramment utilisé est aux Etats-Unis, dans une petite zone du Wisconsin. Les grands-pères, anciens fils d'émigrants belges, communiquent entre eux dans cette belle langue. Un reportage a d'ailleurs été réalisé sur ce phénomène; je me souviens qu'un vieil homme y expliquait qu'il préférait discuter en Wallon plutôt qu'en Anglais car cette façon de parler et de prononcer les mots était très amusante, ce qui est vrai.

Le drapeau belge

Le drapeau wallon

Le drapeau flamand

Le drapeau indépendantiste flamand (pas de rouge car sinon ça ferait les trois couleurs de la Belgique dont ne veulent plus les nationalistes flamands) 

- Il y aurait des tensions politiques entre les régions en Belgique, pourriez-vous nous les expliquer ?

- L’histoire de la Belgique, qui commence à proprement parler en 1830, est ponctuée de grandes rivalités historiques entre les néerlandophones et les francophones. Je ne vais pas rentrer dans les détails de l’histoire, je vais éviter d’évoquer des tensions nées de la première et seconde guerre mondiale, je vais surtout m’attarder sur la question économique qui est très actuelle et symptomatique des divisions. Concrètement, les Flamands sont économiquement plutôt libéraux et les Wallons plutôt socialistes. Après les Trente-Glorieuses, la Wallonie a commencé s’appauvrir et la Flandre, elle, a connu un grand essor économique. La Flandre, dont le peuple est fier et enraciné, a tendance à voir la Wallonie comme une région parasitaire où le taux de chômage est explosif et pour laquelle elle est contrainte de mettre la main au portefeuille. Néanmoins, les Wallons ont tendance à rappeler qu’ils sont les premiers consommateurs des produits flamands ... En tous cas, il se pourrait qu’un beau jour, dans les prochaines années, la Belgique soit rayée de la carte et que la Flandre obtienne son indépendante. La Wallonie aurait du mal à survivre seule au niveau économique. Elle pourrait peut-être se rattacher à la Belgique (ce sont des choses qui sont déjà envisagées) mais rien n’est certain. Quant à Bruxelles, ce sera un autre problème puisque cette région est majoritairement francophone mais géographiquement flamande. Son statut de capitale de l’UE pourrait provisoirement arranger les choses mais, comme vous le savez, nous ne savons pas quel sera l’avenir de l’UE à moyen terme ... Nous verrons bien et, après tout, peut-être que la Belgique n’est pas encore prête de tomber.


- Pourquoi la situation au Donbass vous intéresse ?

- J’ai commencé à suivre les tensions diplomatiques entre la Russie et l’Ukraine depuis dix ans déjà, à l’époque de la révolution orange. J’ai vu clairement toute l’injustice qui était faite au peuple russe et plus généralement aux russophones, en particulier les manigances des lobbys occidentaux. L’Euromaïdan et le cynisme occidental ont pour moi été très choquants mais vous connaissez tous cette histoire qui a mené à cette sale guerre … A présent, je n’ai pas un contact au Donbass qui n’ait pas vu des choses affreuses perpétrées par l’armée ukrainienne. En tant que Chrétien, la justice est pour moi une vertu et il est important de ne jamais accepter le triomphe d’une injustice, quel que soit l’endroit où elle se présente.


- Comment vous voyez l’avenir de la République Populaire de Donetsk ?

- Je ne suis pas prophète et je ne connais évidemment pas l'avenir de la RPD mais je suis certain que son peuple mènera la résistance jusqu'au bout. Vous êtes des gens solides et solidaires. Par contre, je suis moins serein pour l'Ukraine dont le futur me semble bien sombre, tant au niveau économique que social ... Elle a clairement misé sur le mauvais cheval. Je suis triste pour son peuple...

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