AVRIL - MAI 2020

La Russie se prépare-elle à accueillir un nouveau saint Romanov ?

par Frédéric de NATAL


C'est la demande formulée par la Société Palestinienne Orthodoxe Impériale (SIORP), qui a sollicité au cours d'une conférence que le Grand-duc Sergueï Alexandrovitch soit canonisé par l'église orthodoxe. "Je suis sûr que nous devons tout faire - soigneusement, discrètement, délicatement, de manière chrétienne afin que le moment venu, Sergeï Alexandrovich Romanov, soit considéré comme un saint" a déclaré le 17 février, Sergei Stepashin, ancien premier ministre (1999) et actuel Président de la Cour des comptes de Russie, en présence du Grand-duc George Romanov.
Cinquième fils du Tsar Alexandre II, le Grand-duc Serge (Сергей Александрович) est un pur produit de la maison impériale russe. L'assassinat de son père par un anarchiste en 1881, qui fut l'amant de la princesse Catherine Dolgorouki (immortalisée par Romy Schneider dans le film "Katia") et la guerre russo-turque, sont autant d'événements qui vont marquer la jeunesse de Sergeï Alexandrovich qui apprécie les charmes de la Crimée. C'était un militaire, "réservé, puritain, intelligent et raffiné, d'une grande érudition, de taille élancée accentuée par le port d'un corset, porté à la manière des officiers prussiens" nous raconte Christopher Warwick dans la biographie qu'il a consacré à son épouse , la Grand-duchesse Elizabeth Fiodorovna, Un mariage stérile même si les époux, chose rare, partageaient la même couche.
Il sera nommé gouverneur de la principauté de Moscou. Son antisémitisme notoire et la répression accrue d'opposants lui vaudront cependant l'animosité des Russes, contrastant singulièrement avec sa grande piété religieuse et les multiples fondations caritatives qu'il finance.
Son mépris des « petites gens », son excentricité , ses affaires extra-conjugales (notamment avec les hommes d'après certains membres de la maison impériale et des témoins de l'époque) font du Grand-duc un personnage qui reste insondable comme l'âme russe, attirant ou détestable. La tragédie de Khodynka, durant les festivités du couronnement de Nicolas II, provoquera de vives tensions au sein du palais impérial.
Les victimes du champ de Khodynka le 18 mai 1896

Notamment avec le nouvel empereur qui avait pourtant demandé à son cousin de faire annuler le rassemblement qui présentait trop de risques et qui va faire 1389 morts, autant de blessés. Beaucoup de russes vont d'ailleurs y voir le signe d'un mauvais présage alors que débute le règne de celui qui sera le (l'avant) dernier tsar autocrate de toutes les Russies.
En conflit ouvert avec Nicolas II, qu'il juge faible, le Grand-duc Serge démissionne de son poste en janvier 1905. Fataliste comme son père, il faisait fi du danger, refusant la moindre escorte militaire.
Le 17 février 1905, à peine âgé de 47 ans, il est la victime tragique d'une bombe qui désintègre sa voiture. Le corps du prince est déchiqueté, les morceaux éparpillés dans la neige rougie du sang de ce Romanov. Un assassinat particulièrement atroce qui précédera d'autres à venir et qui précipite le destin de la Russie impériale. Son épouse , la Grande-duchesse Elizabeth , qui entre en religion, sera elle-même exécutée par les bolcheviques le 18 juillet 1918. Elle a été depuis déclarée sainte par l'église orthodoxe.
En mai 1882, le Grand-Duc avait accepté de prendre les rênes de la Société palestinienne orthodoxe impériale, toujours engagée dans le maintien de la paix, l'illumination, le pèlerinage et les activités caritatives en Russie en Terre Sainte.
En 2005, la Grande -duchesse Maria Wladimirovna avait fait célébrer au monastère de Novospassky un office religieux en mémoire du Grand-duc depuis réhabilité par le Kremlin. Le président Vladimir Poutine a d'ailleurs fait reconstruire le monastère Tchoudov détruit sur ordre des soviétiques, là où avait eu lieu l'attentat.
Le Grand-duc George Romanov a assisté à un office religieux en hommage au prince Sergueï Alexandrovitch, devant sa tombe qui est régulièrement fleurie. C'est en 2008 que la SIORP a fait son grand-retour en Terre Sainte , à Jérusalem, avec l'accord du gouvernement d'Israël qui a rendu à l'épiscopat qu'elle possédait du temps de l'empire.

F. de N.

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