FÉVRIER - MARS 2021

L’autorité est l’un des leviers de la liberté

par Bertrand SOUBELET


L'année du cinquantenaire de la mort du général de Gaulle vient de se terminer et elle nous donne un éclairage sur la période qui s'ouvre.
Les nombreuses rétrospectives nous ont rappelé dans quelles conditions le général a volontairement quitté le pouvoir par deux fois ; cela met en évidence les ressorts et les motivations de celui qui a permis à la France de sortir du deuxième conflit mondial dans l'honneur retrouvé et avec des perspectives d'avenir. Quel homme politique est capable de ce courage aujourd’hui ?
Son action a été guidée durant toute sa vie de militaire puis d'homme d'État par la grandeur de la France et son indépendance pendant que beaucoup ne pensaient qu'à leur destin personnel.
Les valeurs qu'il portait, partagées par ses compagnons de route depuis le refus de la défaite, ne sont pas toutes de l'ordre du rationnel. Elles relèvent d'une conception de l'engagement et parfois du sacrifice qui amènent en tout temps à décider en privilégiant le bien commun à l'intérêt personnel. Elles placent le destin de la France bien au-dessus des contingences individuelles et il est évident que sa vocation militaire y est pour beaucoup.
Le destin personnel doit toujours s'effacer devant celui de la Nation.
Ce désintéressement était peu compréhensible à l'époque, il est aujourd'hui totalement inaudible tout comme les notions d'honneur, d'honnêteté et d'abnégation. Il a permis au général de Gaulle de toujours garder de la distance avec la basse politique qu'il avait en horreur et dont il ne s'est jamais accommodé.
Cette conception de la conduite des affaires publiques n'a plus cours depuis bien longtemps alors même que beaucoup d'hommes politiques et de partis se réclament du général de Gaulle ou de sa « philosophie ».
Tout cela n'est que de la poudre aux yeux car le général est le fruit d'une histoire personnelle, parfois douloureuse, et de l'Histoire tout court.
L'histoire ne se reproduit jamais, elle suit son cours et il n'y a rien de pire que d'imaginer des analogies pour essayer de résoudre les difficultés de la France.
Le plus surprenant est de constater dans l'inconscient collectif les séquelles laissées par la notion d'homme providentiel entretenue et institutionnalisée par Charles de Gaulle lui-même avec l'introduction de l'élection du Président de la République au suffrage universel.
Or la versatilité des Français les amène bien souvent à brûler ce qu'ils ont adoré. Le général en a fait l'expérience à plusieurs reprises.
L'homme providentiel n'existe pas et croire en ce fantasme relève davantage de l'incantation que du pragmatisme. Envisager l'élection présidentielle comme « le rendez-vous d'un homme avec son peuple » relève d'une vision journalistique où le romantisme l'emporte sur le réalisme.
C'est peut-être rassurant d'imaginer un deus ex machina dont on attend tout et qui résoudra tout mais c'est un espoir sans issue tant la complexité du monde moderne ne permet pas une telle occurrence.
Tous ceux qui se réclament du général de Gaulle espèrent inconsciemment ou secrètement qu'invoquer son héritage leur confère une partie de sa stature. 
Hélas aucun responsable politique actuel ne remplit un dixième des critères des valeurs et des convictions qui ont animé ceux qui ont reconstruit la France dans les 20 années qui ont suivi la guerre. Pas de vision, pas de résilience, pas de volonté de faire passer la France avant toute autre considération. Seulement des ambitions personnelles, des calculs politiques, des compromissions, en un mot, de la politicaillerie, fruit du système des partis qui se partagent le pouvoir depuis 50 ans.
Avec le résultat que notre pays connait aujourd'hui : une débâcle.
Ce qu'il faut surtout retenir de cette période charnière de l'histoire de France est le souci permanent du général de Gaulle de maintenir en permanence cet équilibre précaire entre la liberté et l'ordre.
Il plaçait la liberté au-dessus de tout, connaissant son prix pour avoir été prisonnier lors du premier conflit mondial et avoir été contraint de quitter la France en 1940 n'ayant en tête qu'un seul objectif : redonner au Pays sa liberté.
De nos jours nous ne parlons pas de la même liberté tant ce mot a été dévoyé par des considérations individualistes. 
Ce mot est galvaudé quotidiennement par beaucoup de Français et certains commentateurs qui ne supportent aucune contrainte. Ils pensent que les mesures exigées par une situation tendue en termes d'ordre public (gilets jaunes) ou sanitaire (COVID19) sont des atteintes majeures aux droits individuels et que la dictature nous guette.
Si la situation n'était pas aussi préoccupante cela prêterait à rire.
Il n'y a pas d'opposition entre la liberté et l'autorité. L'autorité est l’un des leviers de la liberté. Soyons lucides, la vraie liberté, nous sommes sur le point de la perdre car en France, on meurt en essayant de rester debout, on assassine au nom d'une religion, on tolère les ennemis de la démocratie, on néglige la majorité en faiblissant devant des minorités activistes.
Voilà le vrai danger et il est bien pire que la chienlit du général de Gaulle.
Le véritable enjeu est la liberté de choisir notre destin collectif.
Alors oui il faut remettre de l'ordre dans notre pays et l'autorité doit s'imposer.
Pas dans n'importe quelles conditions. Certains Français imaginent que comme en 1940 un général va se lever pour prendre la situation en main et remettre de l'ordre partout en France avec l'efficacité que l'on reconnait aux militaires.
Mais nous ne sommes pas en 1940, la situation se dégrade depuis des années en raison des choix politiques faits par nos responsables élus démocratiquement et ceux qui exercent le pouvoir aujourd'hui ont été choisis par les Français qui ont voté.
Qui oserait prétendre se substituer au pouvoir légitime ? Certainement pas les militaires qui, à l'image du général de Gaulle, sont aujourd'hui parmi les plus grands défenseurs de nos institutions et de notre démocratie.
Ils sont prêts à servir et à participer au redressement de la France mais dans la légalité en restant respectueux des choix des électeurs de notre pays. 
Seuls les Français qui votent ont le pouvoir de changer la donne et le prochain rendez-vous est en 2022.

B.S.

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