SEPTEMBRE 2016

Etats-Unis, vérités et contre-vérités sur l’impérialisme

par Bertrand BRISSET

Contrairement à une idée reçue, les Etats-Unis ne furent pas de manière systématique un peuple, une nation « agressive ». En sociologie comme en histoire, il faut savoir être objectif. Pendant très longtemps, les Etats-Unis furent isolationnistes. Ils n'entrèrent en guerre qu'en 1917 d'une part puis 1941 de l'autre. Evidemment, en 1941, Roosevelt savait que les Etats-Unis ne pourraient pas demeurer indéfiniment sur le banc de touche, pour autant, l'attaque japonaise de Pearl Harbor fut bien une surprise et non un complot comme on aime souvent à le faire croire. La raison en est très simple, le 7 décembre 1941, l'armée américaine était moins pourvue qu'une nation d'Europe centrale ! Les jeunes recrues effectuaient encore des exercices à cheval avec des fusils des années Trente ! Aucun véhicule amphibie, l'aviation poussiéreuse et le fameux complexe « militaro-industriel » à l'époque inexistant. Il fallut de très longues semaines de préparation aux Américains avant de réellement entrer dans la guerre... ils n'étaient pas prêts et, surtout, sortaient de la « grande dépression »... Quelque part, c'était encore un pays de « cow-boys » face à la superpuissance militaire japonaise ! S'ils avaient prévu Pearl Harbor, alors ils se seraient préparés à l'avance pour la riposte, ce ne fut pas le cas.
La 2nde Guerre mondiale entraîna une mutation de l'économie américaine avec l’émergence de ce fameux complexe militaro-industriel, notamment l'émergence de l'électronique. Le bombardier B-29 Superfortress en est un exemple parfait d'avion futuriste alors même que nous avons en tête l'image plus populaire de la classique Forteresse volante pourtant déjà désuète dès le début du conflit !
Les années d'après-guerre et l'entrée en Guerre froide ne virent pas encore les Etats-Unis directement impérialistes et souhaitant « dominer le monde ».
C'est beaucoup plus complexe que cela. La doctrine Jdanov de séparation en deux blocs distincts était plutôt admise. Lors de l’insurrection hongroise de 1956, Khrouchtchev parlementa quatre jours durant avec son homologue chinois pour savoir s'il devait intervenir ou non, avec le risque d'une riposte américaine. La « réponse » vint officieusement du cabinet d'Eisenhower qui lui fit comprendre que la Hongrie ne dépendait pas d'une sphère d'influence mondiale ni occidentale mais d'Europe orientale, donc, dans le giron de Moscou. Le blanc-seing pour intervenir ne venait même plus de Pékin mais de Washington ! Il faut dire que 1956 avait vu aussi le ralliement des deux Blocs Est-Ouest afin de contrer la dernière opération militaire coloniale franco-anglaise contre la nationalisation du canal de Suez en Egypte. Si l'opération militaire fut un succès, Français et Anglais durent néanmoins déguerpir rapidement car on leur fit bien comprendre que, désormais, le monde n'était plus aux anciennes puissances coloniales européennes mais bel et bien à un partage d'influences entre Etats-Unis et URSS. 
La Guerre froide dans laquelle le monde s'était engagé au sortir de la 2nde Guerre mondiale ne vit pas d'affrontement direct Est / Ouest mais la guerre d'espionnage d'un camp sur l'autre fut néanmoins totale et on vit surtout apparaître de nombreux conflits isolés de part et d'autre. Les « Guerres chaudes de la Guerre froide », notamment en Afrique et en Asie du Sud-est. En Occident, nous avons pris pour mauvaise habitude nommer « guerres américaines » les conflits de Corée et du Viêt-Nam des années cinquante et soixante-dix. C'est une grave erreur ! C'étaient à l'origine des guerres civiles au sein de pays partagés entre le camp communiste et le camp libéral à partir de 1945. Si l'on veut condamner le napalm américain sur la jungle vietnamienne, alors, soyons objectifs, et parlons aussi de ces centaines de civils qui tentèrent de s'accrocher aux derniers hélicoptères qui s'envolaient de la capitale cernée par les troupes conjointes du Viêt-minh et du Viêt-cong!
Malgré la guerre du Viêt-Nam, les années soixante-dix virent, sous le cabinet Nixon, un rapprochement des Etats-Unis avec la Chine communiste et l'URSS. C'est paradoxalement aussi l'époque d'une tension entre Moscou et Pékin mais là n'est pas le but de notre sujet. Juste mettre en lumière le fait que les « blocs », bien que distincts, étaient souvent la proie à des déchirements internes. De son côté, la France, sous l'influence du Général de Gaulle sortit du commandement militaire de l'OTAN. 
Nous connaissons la période des années Soixante-dix comme étant celle du « réchauffement » entre Nixon et Brejnev que tout semblait pourtant opposer. Sous couvert humaniste médiatique et d'ouverture politicienne mondiale, la réalité, c'est que les budgets soviétiques et américains avaient été totalement pulvérisés par la course à l'espace et la course aux armes nucléaires. C'était une manière « douce » de présenter au public et au monde ce qui était d'abord un plan d'économie drastique !
C'est vers la fin des années Soixante-dix, vers 1978 / 1979, que tout bascula notamment sous les cabinets Carter et Reagan. La crise en Afghanistan changea complètement la donne. Il n'était plus question de zones d'influences. Les Etats-Unis commencèrent des opérations militaires dans les Caraïbes avant de financer, plus tard, « Solidarnösc » en Pologne. 
Washington avait décidé de monter d'un cran, c'était le « réveil » de l'Amérique, la fameuse phrase de Reagan « America is back ! » qui faisait suite à l'emploi d'« Empire du mal » concernant l'URSS (les Etats-Unis devant certainement représenter dans son esprit l'« Empire du bien » !).
La grande différence entre les Etats-Unis d'avant 1978 et les Etats-Unis d'après 1978, c'est qu'à partir de cette année-là, leur but n'était pas tant de s'opposer au Bloc de l'Est mais de le faire réellement chuter et de prendre sa place sur l'échiquier mondial en seule et unique superpuissance. C'est ce qui se passa en 1991 avec l'effondrement du Bloc de l'Est et la dissolution du Pacte de Varsovie. C'est vraiment là que nous avons découvert un visage alors encore assez méconnu américain, réellement dominateur et impérialiste, tentant de dominer les marchés économiques mondiaux ou faire la guerre, déstabiliser les zones qu'il ne pouvait pas directement gérer. La création des milices islamistes moudjahidines, l'alliance avec les Sunnites d'Arabie, l'avancée des bases de l'OTAN sur l'Europe centrale, de l'Est et le Caucase alors même qu'il était question qu'elle ne dépasse pas ligne Oder / Neisse dans le cadre de la réunification allemande. Nous avions cru le monde libre à la chute du communisme, nous sommes au contraire, entrés dans une nouvelle inconnue... !
Maintenant, les Etats-Unis ont leur place dans le monde libre mais pour cela il faudrait qu'ils retrouvent leur positionnement isolationniste d'avant 1941, cela ne semble pas être le cas et peu importe les cabinets, de Bush à Obama et peu importe aussi les camps, républicains ou démocrates. Les visions de Sarah Palin ou d'Hillary Clinton sur la néo-Guerre froide actuelle à l'encontre de la Russie post-soviétique sont en tous points similaires de même que la vision générale du monde sous l'influence américaine. A défaut de redevenir isolationnistes, ce que l'on pourrait attendre du camp américain, c'est au minimum qu'ils se soumettent à la nouvelle doctrine poutinienne, qui fait suite à la doctrine Jdanov. A savoir que le monde n'est plus dominé par deux superpuissances, et encore moins une seule, mais le monde d'aujourd'hui doit reposer sur une sphère multipolaire, des puissances peu ou prou égalitaires les unes des autres et, surtout, respectueuses les unes des autres. Les volontés états-uniennes de déstabilisation conjointe de l'Ukraine et de la Syrie afin de briser l'élan eurasiatique d'un côté et le projet de gazoduc irano-syrien de l'autre, le tout après avoir semé le chaos en Irak, ne va pas du tout dans le sens logique que l'histoire devrait donner à l'après Guerre froide.
S'il fallait rétablir quelques contre-vérités concernant l'attitude américaine certainement moins impérialiste qu'on voudrait le croire pour les décennies passées, pour autant, l'histoire retiendra que l'on a aussi récemment attribué un Prix Nobel de la Paix à monsieur Obama, qui a semblé surtout préoccupé du chaos mondial afin d'assurer un seul Ordre nouveau dominé par la seule Amérique.

B.B.

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