MARS 2017

La morale, les affaires et la présidentielle

par Pierre de LAUZUN


L’actualité politique est dominée à nouveau par les affaires – au moins au niveau médiatique. L’affaire Fillon bien sûr ; mais aussi les reproches analogues faits à Marine Le Pen ; les accusations contre E. Macron etc.
Je ne rentrerai pas ici dans l’analyse des faits incriminés : je m’interroge sur leur portée et le sens de ces campagnes de presse. 
La question se présente avec une acuité particulière en pleine campagne électorale pour les présidentielles, mais en fait se pose en permanence : que s’agit-il de juger chez des gouvernants ?
La bonne réponse est semble-t-il : comment ils gouvernent ? C’est-à-dire que prétendent-ils vouloir faire et que font-ils effectivement ? Appliqué à un candidat cela veut dire : quel est son programme ? Le mettra-t-il en œuvre (le pourra-t-il et le voudra-t-il) ?
Ce qui inclut bien sûr une appréciation sur son caractère. Et en un sens, sur sa moralité. Dans quelle mesure ? Dans la mesure où caractère et moralité influent sur l’action de la personne. Sous cet angle le dirigeant doit avoir une forme de vertu : celle qui le rend plus apte à bien gouverner. D’autant plus que gouverner comprend une dimension d’exemplarité : le dirigeant est visible, et les citoyens comparent son attitude avec le comportement qu’ils en attendent. En ce sens un dirigeant idéal sera un dirigeant vertueux.
Cela paraît justifier le débat en cours. Et pourtant on sent bien qu’il y a quelque chose qui sonne faux.
D’abord bien sûr parce que le souci de moralité y est totalement instrumentalisé. Personne n’a le moindre doute sur les motivations des attaquants : démolir la personnalité visée et en tout cas ses chances d’être élu (ou ensuite de pouvoir mener sa politique). C’est le destin lamentable de la moralité dans notre époque relativiste : plus on la relativise (chacun choisit ses valeurs, pas d’ordre moral), plus le besoin de moralité ressurgit sous forme sauvage et se fait instrumentaliser.
Ensuite et plus profondément parce que la question centrale n’est pas posée : celle de la pertinence des accusations pour le vrai débat, qui est le choix du dirigeant. Il va de soi que meilleur le dirigeant sera, mieux ce sera. C’est presque tautologique. Mais concrètement il s’agit d’élire des hommes imparfaits, en pondérant les éléments qu’on juge positifs et ceux qu’on juge négatifs ; c’est d’ailleurs vrai de l’ensemble du programme comme du jugement porté sur la capacité de la personne à tenir la fonction. Une fonction qui est d’abord politique : il s’agit de diriger le pays pendant 5 ans.
Une accusation d’ordre moral pointant sur un point limité, en partie privé, a bien sûr sa pertinence : elle entre comme composante dans le jugement d’ensemble. Mais il est absurde de considérer que c’est le critère exclusif (sauf acte abominable).
Dit autrement, même si les accusations portées contre Mme Le Pen, M. Fillon, M. Macron ou d’autres étaient littéralement ce que les média en disent (et d’autres accusations similaires), est-ce sur cette base exclusive qu’il faut se prononcer ?
Il me semble évident qu’il y a d’autres critères autrement plus importants que des histoires d’attachés parlementaires ou de déclarations ISF. Même si ce qui est dénoncé dans ces divers cas (à tort ou à raison, je n’en juge pas ici) n’est évidemment pas bien, même si cela jette une ombre sur la personne si cela se trouvait confirmé : ce n’est pas suffisant pour que quelqu’un qui est fermement en faveur de l’un de ces candidats, ou contre tel autre, avale la perspective d’un quinquennat raté uniquement parce que son candidat serait récusé pour de tels motifs.

P. de L.

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