OCTOBRE 2018

100ème anniversaire de la République d’Azerbaïdjan : 1918-2018

par Alexandre WATTIN


Pays magnifique qui possède de nombreux trésors architecturaux et des paysages grandioses, un patrimoine d’exception et des habitants conviviaux et très hospitaliers ; carrefour gigantesque ou convergent les grands axes Orient et Occident, l'Azerbaïdjan est un pays méconnu du grand public européen. L’Azerbaïdjan et tout particulièrement sa capitale Bakou, se sont développés au fil des siècles grâce à l’activité des caravansérails et au commerce de l’or noir.

Étape de la route de la soie, ce beau pays est habituellement connu pour son industrie pétrolière. En effet, de l’antiquité au moyen âge l'extirpation du naphte servait déjà à alimenter les lampes à huile. Mais depuis son indépendance définitive en 1991 et les actions éclairés et volontaristes engagées depuis plusieurs années par son premier président Heydar Aliyev, figure emblématique de l’indépendance azérie, puis par son actuel chef de l’état Ilham Aliyev ont fait qu’aujourd’hui l’Azerbaïdjan moderne est devenu une perle du Caucase. Ces deux hommes d’État ont su diversifier l’économie et investir en permanence pour ainsi contribuer à une amélioration notoire des infrastructures ainsi qu’au progrès social. 

Ce qui a permis un recul spectaculaire de la pauvreté et une augmentation significative du niveau de vie ayant abouti à l'émergence d'une classe moyenne urbaine. Preuves en sont les projets d’urbanisme qui ne sont pas sans rappeler ceux de très grandes capitales : la végétation luxuriante, les avenues rutilantes et les tours pharaoniques dessinent aujourd’hui le territoire bakinois en ce 21ème siècle.

Mais le thème de cet article touche à l’histoire de cette nation qui célèbre, tout au long de l’année 2018, le 100ème anniversaire de la déclaration de sa première République. Bien que celle-ci ne fut que de courte durée, la création de la république démocratique d’Azerbaïdjan laissera une empreinte indélébile dans l’inconscient des azerbaïdjanais qui se ragaillardira à l’occasion de l’indépendance du pays du l’URSS en 1991. 

 

DÉBUT ET FIN DE LA DOMINATION IMPÉRIALE

Alors que l’armée impériale russe combat Napoléon Bonaparte en Europe, l'Empire russe poursuit, sous le règne d’Alexandre 1er et celui de ses successeurs, son expansion « coloniale » dans le Caucase au détriment des Empires perse et ottoman. 

Ainsi une partie de l'Azerbaïdjan est annexée au terme d'un conflit de quatre ans avec l'Empire perse qui perd tous ses territoires situés au nord de l'Araxe et sera forcé de reconnaître l'autorité de la Russie sur ceux-ci à l’issue du traité de Gulistan en 1813. L’ensemble des territoires de l’actuelle République d’Azerbaïdjan devient russe en 1828 après le Traité de Turkmenchaï. 

La perse perd entre autres le droit de naviguer sur la mer Caspienne, et la Russie se voit attribuer des droits exclusifs pour stationner sa flotte militaire sur celle-ci. Les territoires peuplés d’azéris situés au sud de la frontière tracée par ce traité reste sous domination perse. 

C’est d’ailleurs à cette époque que la séparation entre les actuels azerbaïdjanais et les azéris d’Iran se met en place. Dès lors le territoire de l'actuel Azerbaïdjan fera partie de la région administrative transcaucasienne de l'Empire russe durant près de 100 ans.    

Pendant la Première Guerre mondiale, le Sud-Caucase voit s’affronter initialement la Russie tsariste et l’Empire ottoman. La Russie est laminée par trois années de guerre et la famine. Le peuple russe réclame du pain, la fin du conflit et le retour des soldats au sein de leur famille. Les révolutionnaires de tout bord en profitent pour créer des émeutes et révoltes de plus en plus violentes jusqu'à l'insurrection. 

Dépassé, le tsar Nicolas II abdique. C'est la fin des Romanov à la tête de l'Empire russe. Un gouvernement provisoire remplace alors le régime tsariste. Au Caucase, les personnalités politiques locales s’opposent à la prise de pouvoir par les Bolcheviks et profitent de cette situation pour s'assembler afin de combler le vide administratif laissé suite à l'abdication du tsar en créant un comité spécial transcaucasien. Réunies sous la forme d’une assemblée parlementaire transcaucasienne (appelée « Sejm ») en novembre 1917 ; puis sous la forme d’une entité politique plus complète avec la création d’une République démocratique fédérative ils tenteront de traiter dans les mois qui suivront les questions les plus importantes touchant la population et l’avenir de la région. Seule la ville de Bakou ne sera pas intégrée car elle est contrôlée par les Bolcheviks (« Commune de Bakou »). 

En février 1918, le Conseil transcaucasien débute ses travaux commencé à Tbilissi vers l'indépendance complète des nations du Caucase et le 10 février, la République démocratique fédérative de Transcaucasie est proclamée. Celle-ci était antibolchevique et voulait la séparation de la Transcaucasie et de la Russie. Comme beaucoup de minorités ethniques, les Azéris visaient la sécession totale de la Russie.


PROCLAMATION DE L’INDÉPENDANCE 1918

Alors que le 26 mai 1918, la République fédérative démocratique de Transcaucasie tombe, la faction azerbaïdjanaise se constitue en Conseil national azerbaïdjanais. 

Le Conseil national azerbaïdjanais exerce immédiatement ces fonctions parlementaires et proclame son indépendance le 28 mai 1918 avec la mise en place de la République Démocratique d’Azerbaïdjan en établissant le même jour et momentanément sa capitale à Ganja, Bakou étant occupé par les bolchéviques, le nouvel état souverain adopte un régime républicain démocratique pour sa gouvernance et proclame une charte nationale, qui se lisait comme suit :


a. L'Azerbaïdjan est une nation pleinement souveraine ; elle comprend les parties sud et est de la Transcaucasie sous l'autorité du peuple azerbaïdjanais. 

b. Il est résolu que la forme de gouvernement de l'État indépendant azerbaïdjanais est une république démocratique. 

c. La République démocratique d'Azerbaïdjan est déterminée à établir des relations amicales avec tous, en particulier avec les pays et les États voisins. 

d. La République démocratique d'Azerbaïdjan garantit à tous ses citoyens à l'intérieur de ses frontières l'intégralité des droits civils et politiques, indépendamment de l'origine ethnique, de la religion, de la classe, de la profession ou du sexe. 

e. La République démocratique d'Azerbaïdjan encourage le libre développement de toutes les nationalités qui peuplent son territoire. 

f. Jusqu'à la convocation de l'Assemblée constituante azerbaïdjanaise, l'autorité suprême sur l'Azerbaïdjan est confiée à un Conseil national élu universellement et au gouvernement provisoire responsable devant ce Conseil. 



L'offensive ottomane du Caucase en 1918
Avec la proclamation de la République démocratique d’Azerbaïdjan débute l’acceptation juridique de certaines valeurs européennes en Orient. Première République parlementaire laïque de l’orient musulman sa politique intérieure et extérieure s’inspire des principes progressistes du 20ème siècle par la création du Parlement national, la garantie des certains droits et libertés individuels, et tout particulièrement le droit de vote aux femmes, qui ne s’appliquait dans aucun pays musulman.

Autre première pour le monde musulman, le régime de la République Démocratique d’Azerbaïdjan se veut séculier : la constitution établie l’égalité entre les citoyens indépendamment de leur origine ou de leur confession.

L’acteur essentiel de la proclamation de la République d’Azerbaïdjan est le Parlement instauré le 7 septembre 1918. La République était gouvernée par les coalitions composées de tous les partis politiques agissant dans le pays, mais également les principales minorités ethniques, peuplant l’Azerbaïdjan. 

Le 4 juin 1918, l'Azerbaïdjan et l'empire ottoman signent un traité d'amitié et de coopération qui précise dans sa clause 4 que l'armée ottomane assurerait un appui militaire s'il était nécessaire pour assurer paix et sécurité dans le pays.  Malgré cela, et deux jours après, l'Armée Rouge reçoit l'ordre d'attaquer la capitale provisoire Gandja. L'Azerbaïdjan, incapable de se défendre demande l'aide de l'Empire ottoman en application du traité entre les 2 pays, du 27 juin au 1er juillet 1918, près de Göyçay, l'armée ottomane défait l'armée rouge, puis marche vers Bakou.

En septembre 1918 la capitale est transférée de la ville de Gandja à Bakou. Mais le calme est de courte durée car avec la fin de la première guerre mondiale l’Azerbaïdjan ne peut plus compter sur l’empire ottoman, perdant de ce conflit. 

15 Septembre 1918, Bakou est libérée des Bolcheviks et des Dashnaks Arméniens, ouvrant la voie à l'indépendance de la République Démocratique de l'Azerbaïdjan


Ali Agha Chikhlinski (1865-1943)
Depuis cette date et jusqu’en 1920 l’Azerbaïdjan se trouve dans une situation difficile car divers partis et organisations d'orientation socialiste sont actifs au sein de la société. Les responsables bolchéviques, qui avaient leur revanche à prendre d’avoir soutiennent des actions de sabotage et préparent leur retour. L’Azerbaïdjan éprouvera une crise politique et socio-économique profonde, avec des conflits armés entre différents groupes politiques et sociaux. 


SOUS LE JOUG SOVIÉTIQUE

En avril 1920, des unités de l’Armée rouge, après avoir vaincu l'Armée des volontaires dans le Caucase du Nord, s'approchent de la frontière avec l'Azerbaïdjan. Et au même moment les bolcheviks d'Azerbaïdjan se préparent à un soulèvement armé. Du 26 au 27 avril un groupe de trains blindés soviétiques franchit la frontière avec l'Azerbaïdjan et effectue un raid loin derrière les lignes ennemies. 

Après qu’insurgés et soldats de l’armée rouge aient pris le contrôle sur les institutions les plus importantes de la capitale Bakou, les bolcheviks présentent un ultimatum au gouvernement et au parlement azerbaïdjanais à propos de la reddition du pouvoir. Le principal résultat de ces événements est l'établissement en Azerbaïdjan du pouvoir soviétique et la proclamation de la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan indépendante. Avec le soutien des unités de l’Armée rouge, qui sont entrées en Azerbaïdjan, le nouveau gouvernement prend rapidement le contrôle du reste du pays. Au grand désespoir de la population la république démocratique d’Azerbaïdjan perd son indépendance le 28 avril 1920 et le même jour, la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan est fondée. Ainsi, la Première République d’Azerbaïdjan n’aura duré que 24 mois.

Le pays est intégré en 1922 à la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie au sein de l'Union soviétique, avant de redevenir, en 1936, la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan. La soviétisation est en marche et l’alphabet cyrillique est introduit. Inscrits dans les plans quinquennaux de l’URSS le pays se hisse en termes d’investissement et de capital et produit 60 pour cent du pétrole de l’union soviétique. L’histoire de l’Azerbaïdjan se liera dès lors avec celle de l’URSS. En rupture nette avec la période précédente et durant les 70 ans de tutelle soviétique, l’Azerbaïdjan sera dominé au niveau social, politique et culturel, Moscou ne laissant aucune marge de manœuvre aux Républiques Socialistes et Soviétiques. 


A.W.

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