AOÛT - SEPTEMBRE 2020

La « militarité » retrouve le droit de cité

par Bertrand SOUBELET


Les vertus militaires sont de plus en plus plébiscitées par les Français au regard de la situation de notre pays.
Voilà le début de la revanche de l’état militaire sur la bien-pensance qui hélas dans notre pays a toujours considéré les défenseurs de la Patrie comme des exécutants dont l'intelligence et la culture sont inversement proportionnelles au mépris qu'elle leur manifeste.
Cette vision des choses existe encore dans certaines poches de résistance qui se réduisent comme peau de chagrin.
Mais l'antimilitarisme primaire ne disparaîtra jamais car certains de nos compatriotes se complaisent dans des idées toutes faites et sont hostiles à toute forme de discipline et de rectitude.
Mais Dieu merci ils ne sont pas la France.
Cette inversion de l'image des militaires est déconnectée des dates importantes qui auraient pu aggraver la situation en particulier celle de la suspension de la conscription en 1996 qui fut une erreur majeure du Président Chirac alors même qu'il ne l'avait pas annoncée dans son programme.
Elle a seulement contribué à éloigner la caste politique de la chose militaire ce qui a eu des effets funestes sur l'exécution des lois de programmation et sur la paupérisation croissante de nos Armées en raison du rôle de variable d'ajustement que les technocrates de Bercy ont fait jouer au budget de la défense.
Mais bizarrement cette distance avec les « élites » politiques a probablement contribué à réhabiliter l'image des défenseurs de notre pays tant ils ont été engagés en Opex contre le terrorisme islamiste, au Mali par exemple, et sur le territoire national dans l'opération Sentinelle puis Résilience.
Cette nouvelle proximité entre la population et les Armées, concomitante de l'éloignement avec les décideurs, a connu son point culminant le 13 juillet 2017 avec le discours du Président de la République à l'Hôtel de Brienne et les conséquences que l'on connait.
Aujourd'hui deux demandes récurrentes sont exprimées par une part croissante de la population.
La première est le retour du service militaire dont à titre personnel j'avais exprimé la nécessité à l'occasion de la campagne présidentielle. A deux conditions. Qu'il ne soit pas présenté comme tel car il n'existe aucun besoin en termes de défense et surtout qu'il ne repose pas sur le budget ni sur l'encadrement des personnels d'active des Armées.
Cet engouement pour une nouvelle forme de service National repose sur une idée très simple. Seule une période de formation et d'expérience partagée au service du pays permet de remettre les pendules à l'heure avec certains jeunes Français en termes de comportement et d’éducation. Obéir à des règles, respecter des usages, acquérir une discipline personnelle, être ponctuel, courtois tels sont les manques d’une bonne partie de la jeunesse quelle que soit l’origine sociale tant les standards éducatifs ont disparu dans toutes les familles.
Et puis donner de son temps pour la Nation en partageant pendant quelques mois les mêmes activités et conditions de vie avec d’autres jeunes est une expérience collective qui a du sens et contribue à la cohésion nationale qui nous manque tant.
C’est donc une formule gagnante pour tous puisqu'elle permet également de remettre à niveau certains jeunes qui n’ont pas bénéficié de tous les atouts pour bien démarrer dans la vie.
Le service national universel sous sa forme actuelle est un premier pas et il en faudra beaucoup d’autres pour arriver à un résultat utile.
La deuxième demande est beaucoup plus précise et inattendue. Elle est la conséquence directe de l’évolution de la société française et du recul permanent de l’autorité. Il faut dire que nous partons de loin avec les séquelles encore bien présentes de mai 68 qui a durablement affecté la perception de la loi et des interdits.
Mais l’ensauvagement de la société avec l'existence de zones dans lesquelles les lois de la République ne sont plus appliquées ont convaincu une partie de la population que le retour à la normale passe par l'intervention des Armées.
Cette reprise en main incombe naturellement aux forces de sécurité intérieure mais il est clair que des opérations d'envergure dans certaines parties du territoire devront être préparées avec une précision et une rigueur que seules les Armées et la gendarmerie pratiquent au quotidien. C'est une évidence qui n'a pas échappé aux Français même si parfois l'expression de cette réalité se fait sans nuances.
Les vertus militaires sont tellement plébiscitées que l'opinion publique est de plus en plus convaincue que le retour à une situation maîtrisée dans notre pays en termes de paix publique et de sécurité passe par l'arrivée d'un militaire au pouvoir.
En 2019 déjà près de 50% des Français se déclaraient favorables à confier la responsabilité de la Nation à un militaire en cas de nouveaux attentats. Heureusement ils ne se sont pas produits mais la dégradation des conditions de sécurité ces deux dernières années a fait basculer encore davantage de nos compatriotes dans cette vision de l'avenir.
Cette éventualité effraie la classe politique qui se rend compte de l'affection grandissante des Français envers les militaires de haut rang (ou du moins certains d'entre eux comme Pierre de Villiers) au regard du rejet quasi total de la classe politique par les électeurs.
La théorie selon laquelle les généraux seraient incapables de gérer est contrebattue par l'histoire en particulier la figure tutélaire du général de Gaulle dont toutes les forces politiques se réclament.
On ne peut pas dire tout et son contraire.
C'est exactement ce qui différencie les hommes politiques et les généraux qui ont atteint des responsabilités nationales : la cohérence entre la pensée et l'action.
Or ces généraux n'ont aucune autre ambition que celle qu'ils ont toujours manifestée pour la France, et ils se tiennent à distance du pouvoir politique malgré les nombreuses sollicitations.
Objectivement il n'est pas certain que les militaires soient les mieux placés pour faire de la politique durablement. Cependant le nombre de Maires, d'adjoints et de conseillers récemment élus et issus des Armées et de la gendarmerie a augmenté dans des proportions qui laissent penser que nos compatriotes ont décidé de redonner une colonne vertébrale à notre pays en commençant par la base.
C'est un signe qui ne trompe pas confirmant ainsi le bon sens de la majorité silencieuse qui n'a pas besoin de descendre dans la rue et de tout casser pour s'exprimer.
Mais elle manifeste de plus en plus ouvertement son impatience.

B.S.

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