MAI - JUIN 2021

Que le souvenir des morts soit le la force des vivants !

par Erwan CASTEL


3 ans déjà se sont écoulés depuis la disparition au combat de Oleg Mamiev, le commandeur de la brigade internationale Piatnashka; et pour celles et ceux qui avons eu l'Honneur de le côtoyer et d'Être sous son commandement, "Mamaï" reste dans nos mémoires et nos cœurs un homme exceptionnel et un chef hors norme. 
Le souvenir de cet homme dont la noblesse de cœur n'avait d'égale que l'humilité résistera toujours au temps et à cette triste dissolution des traditions de la brigade opérée par cette bureaucratie sans âme d'un ministère de l'intérieur dans lequel le régiment des forces spéciales, auquel appartenait Piatnashka, a été maladroitement remisé par la nouvelle administration républicaine après l'assassinat (31 août 2019) du Président Zakharchenko.
Oleg Mamïev, "Mamaï", lors du défilé de la victoire du 9 mai 2015 à Donetsk. il est alors commandant en second de la brigade internationale Piatnashka, dont il prendra le commandement plus tard, jusqu'à ce jour funeste du 17 mai 2018, où, sur le front de Yasinovataya, il est mortellement blessé au milieu de ses hommes, par le feu d'un bombardement ukrainien. (Photo Svetana Kissileva).


Lundi 17 mai 2021

Le 17 mai 2018, Oleg Mamïev était mortellement blessé sur le front de Yasinovataya, au Nord de Donetsk par un bombardement ukrainien frappant la position "Dunaï" dans le secteur de Kruta Balka J'ai souvent évoqué le passage fulgurant de cet officier dans nos vies de volontaires et aujourd'hui encore notre immense et intacte tristesse, que ne réussit pas à éroder la meule du temps, témoigne de l'aura militaire et la noblesse de cœur de cet homme dont le nom est désormais indissociable de la légende de Piatnashka.
Oleg Anatolyevich Mamiev est né le 12 décembre 1977 à Vladikavkaz, en Ossétie du Nord, il vit le déchirement des peuples de Russie jetés hors de leur Mère Patrie par l'effondrement de l'URSS, ce qui provoquera d'ailleurs, dans sa terre ancestrale, une rébellion séparatiste qui avec celle de l'Abkhazie voisine donnera naissance en 1992 aux républiques populaires d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie. 
Et dans tous ces conflits séparatistes marquant la ligne de fracture soviétique, on observe toujours un afflux de volontaires venir des 4 horizons de l'impérium slave pour soutenir les rébellions de leurs frères historiques, renouant ainsi avec la tradition des brigades internationales qui marquent l'histoire de la guerre d'Espagne contre le fascisme franquiste. 
Aussi, lorsque le fascisme bandériste œuvrant aujourd'hui pour le grand Capital mondialiste, lance ses chars et avions de combat contre les populations russes du Donbass, on voit arriver dans sa steppe en feu et ses villes bombardées des milliers de volontaires venant soutenir sa résistance. Il faut comprendre ici que l'immense majorité de ces volontaires ne sont pas poussés vers les combats par un fanatisme politique ou un aventurisme militaire, mais parce que fidèles aux valeurs communes et fraternelles qui animent le "sens commun" des peuples, révoltés par la violence criminelle du nouveau régime de Kiev, mais aussi pour défendre cette "idée d'empire" qui a traversé jusqu'à leurs projets d'avenir l'Histoire impériale, soviétique et fédérale russe et qui noue leurs identités particulières dans une destinée supérieure et civilisationnelle à défendre.
Oleg Mamïev, indicatif "Mamaï" rejoint en 2014 le Donbass avec des volontaires 
ossètes, et prend part aux premières victoires des milices contre l'agression ukrainienne.

2014 est certainement l'année la plus périlleuse vécue à ce jour dans le Donbass, car les milices d'autodéfense ne sont pas encore équipées correctement, ni même coordonnées entre elles, et plusieurs corps blindés ukrainiens ont réalisé des saillants dangereux notamment à l'Est et au Sud de Donetsk. Mais les forces ukrainiennes, désorganisées et emportées dans leur élan, vont 'bouillir" les unes après les autres dans des "chaudrons" forgés par le courage et les sacrifices de milices républicaines que renforcent chaque jour l'arrivée de nouveaux volontaires ainsi que les moissons de matériels, armes et munitions récoltés sur les champs de leurs victoires successives (frontière, Iliovaisk, Shakhtyorsk, aéroport, Debalsevo...)
D'abord volontaire dans les rangs de la brigade Vostok, "Mamaï" participe à de nombreux combats décisifs durant l'été 2014 le long des frontières avec la Russie, où il est une première fois blessé sérieusement au bras et à l'œil dans le secteur de Stepanovka près de Saur Moghila.
A peine remis de ses blessures, le volontaire ossète retourne au combat au sein de la brigade internationale "Piatnashka" alors commandée par "Abkhaz", un volontaire d'Abkhazie et qui participe aux côtés des bataillons "Sparta (commandé par Motorola) et Somali (commandé par Givi") aux combats âpres mais victorieux libérant l'aéroport Prokofiev, au Nord de Donetsk. 
La brigade internationale "Piatnashka" (en référence au noyau originel de "15" volontaires) est sans conteste un des hauts symboles de cette "Union des peuples soviétiques" qui anime la rébellion du Donbass, ("sovietsky soyouz" et que les occidentaux formatés par la propagande de la guerre froide doivent ici considérer, non sous un angle politique idéologique mais sous celui d'une union de peupleS autour d'une destinée commune et supra communautaire). 
À l'automne 2014, "Piatnashka", qui est à la pointe de tous les combats depuis sa création en juin 2014, est alors en pleine expansion à partir de volontaires venus de Russie et du Caucase. mais aussi de Serbie, d'Espagne, d'Italie etc. et "Mamaï" devient rapidement un des piliers et le commandant en second de cette Brigade internationale qui continue de sculpter sa légende par la sueur, le sang et les victoires.
Octobre 2014, près de l'aéroport, les volontaires de Piatnashka se regroupent autour de Mamaï  (visible dès le début de la vidéo) pour un assaut  sur des positions ukrainiennes près du terminal. (les blindés appartiennent au bataillon Vostok)

En 2016, "Mamaï" succède à "Abkhaz" au commandement de la brigade "Piatnashka" qui est alors engagée principalement sur le front de Yasinovataya devenu sous les attaques ukrainiennes incessantes cherchant à s'emparer de la route Donetsk-Gorlovka, un des secteurs les plus "chauds" du front. Malgré ses fonctions d'Etat Major, "Mamaï" va dès que possible sur les avants postes tenus par ses unités de combat, là où son destin va l'attendre un 17 mai 2018...
Alors que je rejoins la brigade après 2 années de service sur les fronts militaire et de l'information, les rotations de mon unité s'enchainent rapidement dans le chaos de la zone industrielle de Promka, rythmées par les tirs ukrainiens qui régulièrement précipitent au delà de l'horizon des vivants de proches camarades.
17 avril 2018, dans la zone industrielle de Promka entre Avdeevka (occupé par les forces ukrainiennes) et Yasinovataya (forces républicaines), "Mamaï" vient nous rendre visite sur notre avant poste de section.1 mois plus tard, jour pour jour, la Camarde allait l'attendre sur une autre position à 500 mètres au Nord.

Plusieurs fois par mois nous recevons la visite de notre "Mamaï" autant paternelle que de commandement à quelques centaines de mètres des positions ukrainiennes. Il rencontre alors chacun des soldats en mission, s'enquérant de leurs observations, de leurs besoins, de leur moral, et n'oubliant jamais d'apporter des grandes pâtisseries à l'occasion d'une fête patriotique ou d'un anniversaire personnel passé en première ligne
Pour ouvrir cet article qui me tient à cœur plus que les autres, j'ai choisi cette photo saisie par Svetlana Kissileva lors de la 1ère parade de la Victoire de 1945 organisée par la République populaire de Donetsk le 9 mai 2015. Sur cette photo de foule on y voit Oleg Mamiev tel qu'il reste dans nos mémoires : un pilier charismatique au milieu du peuple défendu et portant dans ses bras toute l'espérance de son avenir !
J'aimerais tant trouver les mots justes pour décrire ce que cet homme a semé dans nos mémoires et nos cœurs, car "Mamaî" est une borne majeure dans le cheminement intérieur autant que dans l'expérience militaire de chacun de ceux qui l'ont connu et côtoyé dans la boue des tranchées. 
Oleg Mamaïev était de ces soldats authentiques, incarnant cette figure intemporelle et mythique du Chevalier; et qui traverse les âges avec comme panache la force de l'exemple, comme qualité l'humilité du courage et comme noblesse l'intelligence du coeur. A son contact quotidien, particulièrement lors de ces moments partagés aux avants postes de Piatnashka, sur ce front funeste de Promka qui devait l'engloutir, nous ressentions déjà toute l'initiation silencieuse de sa personnalité, humble et attentive et toujours à l'écoute de ses hommes, et beaucoup disaient déjà de son vivant qu'il était un père pour la famille de son bataillon. 
17 mai 2018, "Mamaï" vient vers notre position avancée dans Promka sur le front de Yasinovataya. Il est un des rares chefs de guerre que j'ai suivi en toute confiance, reconnaissant en lui les compétences militaires acquises par l'expérience du combat, la justesse d'un instinct tourné vers la réussite de la mission donnée et l'intelligence d'un coeur soucieux de la vie de ses soldats. Un chef dans toute la noblesse de sa fonction. Photo Kristina Melnikova

Lorsque "Mamaï" est mortellement blessé ce 17 mai 2018, mes camarades et moi-même étions en poste sur la position "14" un peu plus au Sud de la position "Donaï" où notre chef devait rencontrer son destin. Je me souviens de cet appel radio transmis en milieu de soirée de poste de combat en salle de repos : "Mamaï a été grièvement blessé sur le front". Mais pour nos cœurs, à cet instant il était impossible que ces blessures soient fatales à celui qui incarnait l'esprit immortel de Piatnashka. Hélas nous devions apprendre plus tard que cet homme dont la légende avait précédé sa mort au combat n'avait pas survécu à ses blessures multiples (thorax et tête) reçues lors de ce bombardement ukrainien d'AGS 17 (lance grenades automatique de 30mm)
Nous étions alors sous le choc, devenus par des brèves lueurs aperçues à l'horizon Nord de notre position et le grésillement ému de la radio d'alerte, des orphelins de cœur !
17 mai 2018, sur le front de Yasinovataya, les dernières  minutes de vie de Oleg Mamïev, lorsque son destin a ouvert au Monde les portes d'une légende exemplaire. (extraits du reportage du journaliste Sladkov qui était témoin des faits. le lien de la vidéo1).

Aujourd'hui le nom de Piatnashka est indissociable de celui de Oleg Mamïev, son commandeur qui nous laisse en héritage le souvenir éternel d'un homme courageux et humble qui commandait son bataillon à la fois comme un père de famille, un chef de guerre médiéval, et un officier des temps modernes.
Depuis ce tragique 17 mai 2018, "Mamaï" ne cesse de combler l'immense vide de son absence par l'héritage du souvenir déposé dans la mémoire et le cœur de chacun de ceux qui l'ont connu et côtoyé. Il est un repère essentiel à la fois heureux et triste du courant tumultueux de cette page d'Histoire européenne qui s'écrit depuis 7 ans dans le Donbass avec une encre de sang. 
Le 19 mai, au cœur de la cité de Donetsk reconnaissante, une foule de plusieurs dizaines de milliers de personnes est venue saluer la dépouille de cet homme2 humble et courageux, devenu fils du Donbass, non par le sang reçu mais par le sang versé.
Le 22 mai, la dépouille de 'Mamaï" s'en est allée vers sa terre natale ossète3 qui s'est entrouverte pour accueillir son noble enfant et sceller de son sang reçu et versé l'amitié entre ces deux terres russes.  Mais ce jour-là, à l'ombre des majestueuses montagnes ossètes en prière, ce n'est pas un corps qui fut enseveli, mais une graine d'exemplarité qui germe depuis dans les cœurs de tous ceux pour qui les mots Liberté, Honneur, Amour et Sacrifice veulent encore dire quelque chose...
Un soldat, frère d'armes, ami et compatriote ossète de Mamaï laisse éclater sa peine tandis que la foule arrive pour saluer ce fils d'Ossétie mort pour sa Liberté.

Et sa stèle élevée sur la voie des héros au cœur de la cité minière de Donetsk est devenue pour les mémoires un phare qui guide nos actes et nos pensées présentes...
Avec "Mamaï", toujours, pour me souvenir et apprendre, encore... Photo Kristina Melnikova, février 2020

Oleg Mamïev a désormais achevé son chemin vers la postérité et mais il restera, dans les l'Histoire en mouvement du Donbass et les cœurs libres de ceux qui l'ont connu, cet homme généreux, au commandement naturel fondé sur la force de l'exemple et servi par un charisme tant physique que mental et qui n'avait d'égal que son humilité et son humanité...
...et ceci, aussi longtemps que durera son bronze éternel dans les vents impuissants des vanités humaines. 

E.C.

NOTES ET RÉFÉRENCES 

1. https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=p7pCWUDHr5w&feature=share
Dans cette vidéo, on observe tout d'abord des échanges de tirs entre belligérants, situation quotidienne et banale sur ce secteur du front où les positions sont à portée de voix les unes des autres. Puis les forces ukrainiennes augmentent les tirs, engageant un canon sas recul SPG9 ("SAPOG") puis un lance grenade automatique AGS17, une arme très prisée dans les guerres de positions tirant des grenades autopropulsées de 30mm. A 7'43", une nouvelle salve ukrainienne arrive juste dans la tranchée et blesse mortellement Mamaï (explosion surlignée). Puis s'en suitl'évacuation rapide et risquée de Mamaï alors que de nouveaux tirs ukrainiens se font entendre.
2. https://alawata-rebellion.blogspot.com/2018/05/les-adieux-mamai.html
3. https://alawata-rebellion.blogspot.com/2018/05/deux-terres-russes-unies-par-le-sang-du.html

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