HORS-SÉRIE - LES RÉSISTANTS RUSSES EN BELGIQUE

Vasily Petrovitch Lipatov

par A. K. GULIN


La carrière militaire de Lipatov est marquée par la chance. Il a été prisonnier à deux reprises et a réussi à s’évader et reprendre les armes.
Appelé sous les drapeaux le 19 juin 1941, un jeune homme de dix-neuf ans du village de Lukoyanovsky, se rend en train à l'école des Blindés en Ukraine occidentale lorsque la guerre éclate. Non loin de Kiev, le train est bombardé et les recrues prêtent serment sur place, reçoivent des uniformes et une brève instruction. Mais, alors qu’ils devaient servir dans les blindés, ils se retrouvent à combattre dans l’infanterie. Les supérieurs confient la mitrailleuse lourde à Vassily, une force de la nature. Galvanisé, il fauche un grand nombre de soldats allemands durant les premiers jours de la guerre et accomplit un premier acte de bravoure pour lequel il reçoit sa première décoration de combattant, la médaille « Pour le courage ».
Une nuit d'été, en marchant en tête de sa colonne, il tombe face aux Allemands. Il ouvre le feu, avertissant ainsi ses camarades du danger. Blessé, dans l’escarmouche, il est soigné à l'hôpital. Rapidement rétabli, il se bat à nouveau en première ligne. Blessé à nouveau, il est capturé par l’ennemi et fait prisonnier. Il réussit à s’évader, s'enfuit, se frayant un chemin vers ses lignes, mais, épuisé, il tombe entre les mains de policiers ukrainiens qui collaborent avec les Allemands. Il est alors envoyé dans un camp de concentration.

« Les prisonniers ne recevaient pas de pain, se souvient-il, mais seulement un bol de millet bouilli dans l'eau pour toute une journée. Avec ce régime, les intestins éclataient rapidement. Chaque jour, des prisonniers tombaient, parfois trois cent dans la même journée ».

On ne pouvait espérer avoir la vie sauve qu’en s’évadant et cette pensée obnubilait Vassily. Cependant, ayant perdu près de la moitié de son poids avec la sous-alimentation, il ne pouvait pas immédiatement s'échapper. Il s'était déjà échappé en Allemagne, du camp n° 362, où il avait été amené au début de 1943. Par une heureuse coïncidence, il s'est retrouvé dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, à la frontière de la Belgique et de la Hollande, où des unités de partisans opéraient déjà. Les patriotes belges ont d'abord nourri puis aidé Vassily Lipatov et son compagnon de cavale Ivan Palchikov à fuir le camp. Ainsi, l'histoire privée des prisonniers de guerre soviétiques s'est reliée à l'histoire européenne, celle du mouvement antifasciste connu sous le nom de Résistance.
La Résistance belge se renforce. La renommée de celle-ci s'étend bien au-delà des Ardennes. Le Général Alexander von Falkenhausen, gouverneur militaire de la Belgique et du Nord de la France fait envoyer des troupes dans les Ardennes en guise de représailles et les partisans connaissent des jours très difficiles. Beaucoup d'entre eux sont morts dans les combats. Mais la lutte continue, et rapidement, les occupants allemands ne préfèrent rester près du chemin de fer qu’ils ne quittent plus. Ils se retrouvent ainsi en position de défense. Mais les brigades de la Résistance font des raids audacieux sur les unités ennemies, détruisant les garnisons dans les gares.
À la mi-44, le 4e Régiment comptait environ quinze cents combattants. Les partisans contrôlaient une grande partie du territoire dans les Ardennes. Six jours avant l'arrivée des unités américaines débarquées en juin en Normandie, la vallée de l'Ourthe - Amblève est totalement libérée des nazis. En plus de Lipatov dans les rangs des combattants de la Résistance belge, leurs compatriotes Grigory Lizogubenko, Vladimir Velogonenko, Evgeny Dotsenko, Ivan Palchikov et des centaines d'autres se sont battus courageusement.
Vasily Petrovitch Lipatov et les hommes de sa compagnie. On reconnait parmi eux Evgeny Dotsenko

Le jour de la Victoire, Vasily Lipatov monte à Bruxelles, d'où il est transféré d'abord à Paris, puis à Dresde et enfin à Moscou. Après avoir passé une semaine d’interrogatoires par les autorités compétentes, il est relaxé et sert dans la région de Moscou et dans son village natal.
En 1964, Vasily Petrovitch et sa famille ont déménagé dans le village de Lesogorsk, à quinze ou vingt kilomètres de son village Natal.
Depuis dix ans qu’il a enterré sa femme, il vit seul et, malgré l'âge vénérable de 78 ans, il tient une grande ferme avec un jardin et du bétail, fournit du lait, de la viande et des légumes à trois familles de parents vivant dans le centre du District. (Lipatov a deux fils et deux filles, cinq petits-enfants et petites-filles).
Vasily Petrovitch conserve soigneusement les documents de l'époque militaire - lettres, photos, cartes d'identité pour les récompenses, coupures de journaux. Parmi eux se distinguent plusieurs photos miniatures qui immortalisent les combattants de la Résistance, les camarades d'armes de Lipatov. (En passant, dit-il, son arme principale, comme d'autres partisans, était une mitraillette anglaise portable avec une crosse repliable, qui s'insérait dans une petite valise diplomatique). Les petites photos ont été prises par le commandant du détachement, le belge Georges, qui a ensuite été exécuté par les nazis. Sur une autre photo, plus grande et bien conservée, une fille fragile et mignonne, Nelly, qui se distinguait, selon le vétéran, par son audace extraordinaire, est représentée.
Dans sa collection, il y a aussi des photos des participants de la Résistance, prises lors de la réunion de ses participants russes et étrangers au 50e anniversaire de la Victoire à Moscou, et parmi eux notre compatriote de Nijni Novgorod. En plus de ceux de Nijni Novgorod, se souvient-il, les habitants de Voronej, Saratov, Novossibirsk et d'autres endroits de l'Union soviétique ont été, comme lui, partisans en Belgique.
Comme les partisans soviétiques sur le territoire de l'Union occupé par les allemands, raconte Vasily Petrovitch, j'ai fait sauter des ponts avec mes camarades, j'ai fait dérailler des trains de matières premières, de l'équipement ou de la main-d'œuvre ennemie. J’y suis allé en embuscade. C'était particulièrement difficile au début de la guérilla, il y avait beaucoup de trahisons et les lois de la guerre étaient sévères. Plus d'une fois, j'ai rencontré les Allemands en combat rapproché et j'ai combattu avec des unités de l'armée du général Vlasov.

A.E.G.

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